Meules et moulins en Islande, du XVe au XIXe siècle : histoire d'une amnésie

Créateur

Contributeur

Belmont, Alain

Éditeur

Master : Histoire : Grenoble 2

Date de création

2009

Format

166 p.

Résumé

Le présent travail s'attache à l'étude d'un chapitre encore vierge de l'histoire de l'Islande, à savoir la place des céréales au sein de la société. Ce sujet d'étude a déjà montré sa pertinence dans bien des pays d'Europe et séduit toujours plus de chercheurs, car il permet de pénétrer de manière originale dans le large champ de recherches concernant non seulement les sociétés rurales, mais bien la structure générale de la société elle-même, tout en intégrant des aspects sur laquelle la recherche a jusque ici buté, en ce qui concerne les sociétés rurales notamment.Au commencement, ce travail fut réalisé à partir de l'analyse du matériel archéologique à disposition, et en particulier des meules à rotation manuelle, dans le but de comprendre les modes d'utilisation et de consommation des céréales sur l'île. Ce large projet de recherche ne couvrait donc pas uniquement les domaines de l'agriculture et de l'alimentation, mais également la commercialisation et la circulation des grains et farines à travers le pays, et au sein même des régions. D'un point de vue méthodologique, l'étude des meules à main révèle certains aspects de la vie quotidienne, quand celle des meulières nous renseigne sur la production et commercialisation de ces pierres. Très présentes dans le folklore et la mythologie Suédoise et Norvégienne, les meules semblent cependant avoir disparu de la mémoire collective islandaise, tout autant que les céréales. Notre travail s'attachera donc à passer outre cette amnésie afin d'encourager la recherche dans ce domaine qui semble avoir été laissé de côté sans fondement.Le présent travail est ainsi organisé en trois parties prétendant refléter la construction cosmogonique de la société islandaise. La première partie envisage le monde islandais dans sa perspective anthropologique. La seconde correspond à la partie interne de ce monde, la cellule familiale, incarnée ici par le matériel archéologique que nous avons eu la possibilité d'étudier. Enfin, le dernier chapitre va au-delà du matériel et, représentant ainsi la partie extérieure de ce même monde, à savoir les relations entre les différentes cellules, s'attache à l'étude des moulins disséminés sur le territoire. Ce travail étant le premier à se consacrer uniquement à ce sujet d'étude, il peut paraitre parfois imprécis et incomplet. On l'utilisera ainsi en guise d'introduction, de support, à de futures recherches plus pointues.Cette recherche puise ses fondements théorétiques au cœur de l'historiographie, plus ou moins ancienne, concernant la société rurale islandaise. La structure et l'organisation de cette société y sont alors décrites comme constantes au travers des siècles, et ce, depuis la fin du Commonwealth. La population était alors structurée sur le schéma des bæir, les fermes, et organisée à l'intérieur du bú. À chaque individu correspondait alors une fonction particulière au sein même du microcosme du bú, la maisonnée. Selon cette interprétation, il ne pouvait y avoir d'individu extérieur à ce schéma, encore moins d'indépendant. En conséquence, il est généralement admis que les meules découvertes sur sites archéologiques ont été le fruit du travail du bondí –le fermier– lui-même. Il n'y aurait donc jamais eu de profession propre relative à la production et la commercialisation de ces objets. Cependant, en regardant de plus près le matériel, il apparaît clairement que, si quelques meules peuvent avoir en effet été réalisées par un amateur, la majorité des pièces présentent les caractéristiques propres aux mains expertes des tailleurs professionnels, qu'ils soient locaux, ou travailleurs étrangers saisonniers. En effet, certaines pièces, et en particulier celles retrouvées sur les sites de comptoirs commerciaux majeurs, témoignent d'un degré de sophistication remarquable, contrastant d'autant plus avec la conception admise selon laquelle il n'y aurait pas eu d'artisan spécialisé au sein de la nation islandaise avant la fin du XVIIIe siècle. Cette remarque nous amène ainsi à proposer une interprétation alternative de l'organisation au sein du bú et entre les différentes bæir, à petite tout comme à grande échelle. Regardant ainsi avec attention le matériel archéologique, il est alors difficile d'admettre que les Islandais ne portaient aucun intérêt aux céréales et à leur transformation. Bien que les conditions de conservation et de registration du matériel rendent leur étude quelque peu aléatoire, certains indices sont suffisamment probants et révèlent ainsi les structures complexes impliquées dans sa réalisation.Le dernier chapitre renforce notre hypothèse. Il apparaît ainsi que, au contraire de l'idée commune selon laquelle il n'y aurait jamais eu dans le pays qu'un moulin, et ce à Reykjavik même, l'Islande ait possédé plus de cinq cent moulins disséminés dans tout le pays, et ce pour le seul XVIIIe siècle. Cela signifie qu'il y avait au moins à cette époque un moulin pour cent habitants, taux qui entre en sévère concurrence avec celui de la France, pays pourtant considéré comme étant l'un des mieux équipé à cette même époque. Ces chiffres ne sont que des indications qui demandent à être précisées. Ils témoignent cependant de l'importance que tenaient effectivement les céréales dans la vie quotidienne islandaise. Nous devons donc considérer cette approche comme perspective féconde dans l'étude du Moyen âge islandais si mystérieux, car elle s'attarde sur le rôle de professions et sur l'existence de communications et d'échanges toujours très mal connus. Ainsi en effet, si les meules ont été produites en des lieux bien précis, comme l'indique la toponymie, la construction et la maintenance de moulins à eau certes, mais également de moulins à vent et moulins à marée motrice requièrent elles aussi des compétences précises et professionnelles.Ce sujet d'étude mériterait une plus grande considération dans les travaux futurs car, grâce aux récentes recherches archéologiques, il ouvre une voie alternative sur l'histoire de l'Islande et permet l'analyse de champs jusque-là inexplorés, en particulier celui des sociétés rurales, sur lesquelles il n'existe pour ainsi dire aucune information à la période médiévale. Le présent travail ne prétend donner aucune réponse, mais seulement élargir le sujet en proposant de possibles études futures.[extr. de DUMAS)

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